Vague pipeau médiatique amenant au nationalisme américain - 2ème round - Apollon mormon - prix Nobel de la guerre - arène romaine - hostilités capitalistes - conclusion de philosophie moderne.
A moins de vivre actuellement en République islamique ou bolivarienne, vous aurez sans doute noté dans les journaux que les débats de la présidentielle américaine ont commencé. D’abord exaspéré par la couverture médiatique de l’évènement, j’ai moi aussi fini par être aspiré dans la turbine informationnelle du pipeau journalistique au point que je me demande si je ne suis pas moi aussi américain… Rapidement je reprends mes esprits toutefois mais il m’est impossible de décoller de ce spectacle fascinant, grandiose. Je suis subjugué devant tant de beauté et pour cause.
A moins de vivre actuellement en République islamique ou bolivarienne, vous aurez sans doute noté dans les journaux que les débats de la présidentielle américaine ont commencé. D’abord exaspéré par la couverture médiatique de l’évènement, j’ai moi aussi fini par être aspiré dans la turbine informationnelle du pipeau journalistique au point que je me demande si je ne suis pas moi aussi américain… Rapidement je reprends mes esprits toutefois mais il m’est impossible de décoller de ce spectacle fascinant, grandiose. Je suis subjugué devant tant de beauté et pour cause.
Assez
rapidement dans le 2nd débat
on distingue les deux personnalités en lice pour la place de chef de meute de
ces indiens d’Amérique dont la peau n’est plus très rouge. On en a déjà eu de
multiples descriptions dans les médias mais le fait de les voir est saisissant
et on comprend pourquoi les membres du public qui posent leurs questions
tremblent de terreur et souillent leur pantalon aux plis pourtant impeccables
devant ces monstres venus se livrer une lutte sans merci.
Tout
d’abord le challenger. Alors qu’on nous l’a décrit comme un méchant industriel inculte
ayant hérité de la fortune et du bagage intellectuel de son père, il est
saisissant de constater à quel point Willard Mitt Romney incarne
l’Amérique d’autrefois. Dans son costume gris acier impeccable, il a les traits
d'une gravure de mode que le temps a juste assez abimé afin de nous le rendre
plus humain. Sous d’épais sourcils broussailleux qu’il relève légèrement comme
pour montrer sa vulnérabilité, se cache le regard brun et dur de celui qui est
monté au sommet tout seul et qui connait l’adversité. Le temps a fait son œuvre
et les cheveux impeccablement gominés de Mitt laissent transparaître des trainés
de sel légères dans cette mer d’huile, signe irréfutable d'une certaine sagesse
qui ne s'acquiert qu'avec l'âge. Mais le plus beau, c’est bien sûr cette voix
caverneuse et légèrement éraillée, presque fluette qui complète cette statue d’Apollon
à la fois forte et fragile, belle et sensible.
Mitt
incarne l’Amérique telle que la pensent et la rêvent les américains : familial,
beau, impartial mais juste. Proche et lointain à la fois, on l’imagine
facilement assis dans son fauteuil de patriarche au coin du feu, un verre de
Scotch à la main à attendre que bobonne daigne cuisiner la biche qu’il a
vaillamment atomisé à coup de fusil automatique dans une réserve naturelle, le
matin même. Mais si tel était le cas, la lutte serait trop simple pour son
opposant, comme elle le fut contre John « la frite » Mc Cain ou comme
elle aurait du l’être contre W, l’ami des bêtes, des banquiers et des
pétroliers. Non. Mitt est mormon, et n’a jamais bu une goutte d’alcool de sa vie.
Ce qui aurait du s’avérer une faiblesse quasi éliminatoire, Willard l’a
transformé en force et s’il tait l’aspect « orgie polygame dans la
petite maison dans la prairie » de ses croyances c’est pour mieux en
extraire son côté croyant à la limite de l’extrémisme que l’Amérique aime tant.
C’est cette face qui confère une certaine légitimité à sa folie d’homme de pouvoir : il est animé par une ambition divine et non humaine, rien ne peut l’arrêter puisque c’est Dieu ou Charlie Ingals (je connais peu la religion mormone…) qui guide ses pas.
En
face de lui, un prix Nobel de la paix. Celui dont même le nom fait rêver et qui
a su réinventer ce rêve américain justement. Il est grand, svelte et surtout,
il est presqu’aussi noir qu’un nègre ! La presse a plus souvent été charmée par
son allure débonnaire, son calme froid et son sourire blanc éblouissant. Lui
aussi est beau comme un dieu et les compliments pleuvent à son encontre. Il
représente le noir américain qui réconcilierait presque les américains les plus
fondamentalistes (comprenez blancs) et les gauchistes (comprenez blacks, gays,
hispaniques, végétariens….la liste est longue). Obama est une icône qui a
toujours eu la présence d’esprit de ne pas se considérer comme telle. Toutefois, le
beau Barrack Hussain Obama, de son nom complet, (quelle ironie n'est-ce pas?)
commence à plier l'échine. Son dos se courbe chaque jour un peu plus sous le
poids de ses faits d'armes retentissants (la non fermeture de Guantanamo Beach,
les drones en Iran et au Pakistan...). Ses déplacements n'ont toutefois pas
perdu cette grâce féline qui anime cette grande gigue souple et ample. Comme
chez tous les chefs d’état et les grands hommes politiques, son arme est la
même que celle de son adversaire du jour. D’une profondeur ancestrale et d’une
gravité solide, la voix d’Obama est chaude et douce au point qu’ou voudrait s’y
lover et oublier un instant que tout ce qu’il raconte sonne étrangement creux.
C’est la langue qui veut ça. L’américain est une langue ronde et douce,
musicale qui fait que tout ce qui chante français aujourd’hui débecte la populace. Si Hollande est à la langue française ce que Michel Sardou est à la musique
populaire, Obama est le Marvin Gaye de l’américain.
Enfin,
le troisième acteur de ce débat comme des autres, c’est
cette arène cerclée d’étoiles brillantes, calfeutrée de velours rouges et bleus,
sombres et doux. C’est l’Amérique sur un plateau et ses deux principaux acteurs
tentent de surfer au plus haut de la vague symbolique. On en oublierait presque
sa forme, en tous points similaire aux arènes meurtrières de la Rome antique. Ce
sont effectivement deux gladiateurs qui vont s’affronter et tenter de s’étriper
ce soir. La seule différence, c’est le public. Là où à l’époque, il avait son
mot à dire et pouvait à loisir décider du sort des participants, ce sont cette
fois les participants qui décideront du sort du public.
Une
fois les hostilités lancées, les deux esthètes se transforment en lions. Ils
rodent et tournoient l’un autour de l’autre, s’observent du coin de l’œil. La
gestuelle est parfaite et cette arène devient la leur. C’est de la politique à
l’américaine, du stand up. Les deux hommes occupent l’espace, se l’approprie
tout en débattant et en se retournant le cerveau pour que chaque parole soit un
symbole fort, pour que le rythme soit constant. Le poids des mots est presque
insoutenable. Chaque sujet abordé est crucial, chaque enjeu primordial au point
qu’on s’aperçoit rapidement que la politique a sombré à l’heure d’une époque
surmédiatique. Tout est tout et tout est rien. En prenant de la perspective, il
est évident que les deux hommes croient dur comme fer à ce qu’ils racontent et
que leur priorité, c’est toutes les priorités qui seront ensuite sélectionnées
selon leurs préférences, par tel ou tel média.
Au
final qu’en reste-t-il ? Deux versions du capitalisme s’affrontent. L’une
est tournée vers le passé et compte sur les récentes découvertes de gisements
pétroliers pour refaire la gloire de l’Amérique telle qu’elle l’était
avant : ignorante, arrogante et disposant d’un droit de cuissage sur le
monde et son écosystème, une Amérique féodale. L’autre est légèrement plus progressiste mais
quand il parle de l’Allemagne ou de la Chine, Obama s’adresse à des concurrents
qu’il compte réduire en miette. On en revient aux glorieux principes qui
régissent ce monde et cette économie, ceux de la concurrence, ceux qui font
qu’il y a toujours un perdant, ceux qui font que l’homme évolue contre tous les
autres et contre son propre environnement. J’aimerais pour conclure, citer
cette très belle maxime de grands philosophes et humanistes contemporains
puisqu’il s’agit de la devise du visage du capitalisme moderne, la Goldman
Sachs, qui s'applique finalement très bien à nos deux rigolos : « réussir n'est pas suffisant, il s'agit d'enfoncer
les autres. »
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